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Chroniques Aériennes — WEP en Vers d'Éole WEP du 29 mai au 1er juin MMXXV



À toi, lecteur ailé, j’offre ce doux récit,
Où l’air fut notre mer, et l’aile notre lit.
De Normandie froide et des toits parisiens,
Partirent, gaiement, huit chariots chargés de biens.
Dix-huit âmes zélées, aux regards de conquête,
Chargèrent leurs vaisseaux, l’aile haute et discrète.
Leurs roues firent fumer les routes du matin,
Jusqu’au noble Puy-Dôme, au sommet montagnin.
Là, sous le Panoramique, aux rails fièrement droits,
Tous se rassemblèrent, les suspentes en émoi.
Un funiculaire, aux flancs d’acier tremblant,
Les mena lentement vers le ciel vacillant.
Au sommet s’offrait un théâtre de pierre,
Où l’on lance ses rêves aux vents avec manière.
Mais l’azur s’obstinait, capricieux et voilé,
Et les plafonds, hélas, tardaient à s’élever.
Le soleil paressait, les thermiques dormaient,
Et l’élan du matin, doucement s’attardait.
Enfin, les ailes purent prendre leur essor,
Mais l’air, trop timoré, freinait leur noble corps.
Les meilleurs chutèrent à Sancy, terrible borne,
Puis, rassemblés enfin, tous prirent le chemin,
Vers Millau, espérant un plus vaillant matin.
Vers Millau descendirent nos huit fiers équipages,
Par monts, par gorges, jusqu’aux antiques rivages.
Là, campant au sommet, comme anciens chevaliers,
Nous dressâmes nos tentes près du ciel guerrier.
C’était la Pouncho, noble Agast aux flancs durs,
Dont les thermiques forts faisaient danser les murs.
Mais l’aube nous surprit sous un grand ciel muet,
Et l’attente, en sueur, pesait d’un lourd secret.
Doudounes sur le dos, casqués comme des rois,
Nous bouillions lentement sans perdre notre foi.
Puis soudain le grand site s’embrasa de lumière,
Et l’on s’élança tous, portés par la poussière.
Le déco, turbulent, bousculait les hardis,
Mais tous rêvaient de cieux vastes et inédits.
Alors monta le jour, superbe et sans remord,
Offrant des plafonds fous, à trois mille et plus d’or.
Certains, intrépides, percèrent l’éther chaud,
Et volèrent cent cinquante, d’un seul trait sans repos.
Mais franchir deux mille, seuil sacré et cruel,
Fut épreuve majeure, au goût parfois mortel.
Nombreux, prisonniers d’une couche jalouse,
Ne connurent du vol que la fuite et la frousse.
Mais qu’importent les bornes, car sous ces grands cieux,
Les causses et les gorges peignaient des vers précieux.
Hung, Clément, Alex, lancés sans nul détour,
Allèrent se poser au fin fond des labours.
L’Aubrac les accueillit, vaste et silencieux,
Tandis qu’un bar leur tint discours délicieux.
Julien, preux volant devenu conducteur,
Vint les cueillir en paix, sous houblon bienfaiteur.
Les trois héros, contents, débriefaient leur journée,
Le regard plein de ciel, et l’âme bien rincée.
Enfin, sous les étoiles, tous se retrouvèrent,
Au jardin d’un prieuré, là où les pierres rêvent.
Et dans la paix du soir, nos tentes doucement
Reposèrent les corps, mais non les cœurs brûlants.
Le camp du Prieuré quitta l’aube en silence,
Chargé de souvenirs, de vol et d’espérance.
Tous prirent le chemin, bercés par les rochers,
Vers Souillac, noble Roc, site encor protégé.
Mais le ciel, capricieux, d’un souffle épuisant,
Tardait à s’ouvrir sous l'été commençant.
L’air, lourd comme un soupir, plaquait nos ambitions,
Et l’attente suinta en longues ablutions.
À midi, torse en feu, sous nos casques d’acier,
Nous priions les thermiques de daigner flamboyer.
Et quand enfin l’azur daigna se réveiller,
Les ailes s’élancèrent, prêtes à batailler.
Hélas ! Plafonds trop bas, douze cents pour le mieux,
Interdisaient tout rêve de cross audacieux.
Et vers l’est, le regard fut soudain refroidi :
Cumulus monstrueux, sombres bêtes de pluie.
Alors, volant sur site, tel un manège lent,
Certains tinrent les airs plus de deux heures durant.
Ils montaient, descendaient, en spirale retorse,
Cherchant dans chaque souffle, une ligne de force.
Quand enfin, harassés, les ailes repliées,
Les corps trop chauffés criaient grâce et pitié,
Nous trouvâmes repos dans l’onde bienheureuse
De la douce Dordogne, claire et généreuse.
Ce bain fut un pardon, une source de joie,
Lavés du sel, du feu, et du ciel maladroit.
Puis vint la grande fête, à l’atterro sacré,
Campement transformé en bal ensorcelé.
Les briquets s’allumaient, fumant d'un feu discret,
Des capsules volaient, éclatant sans regret.
Un bain de minuit déchaînait cris et corps,
Et les rires sonnaient, francs, vibrants, presque forts.
Mais le matin pluvieux, bâché d’un gris d’acier,
Fit tomber notre cœur, comme plomb sur papier.
Orages menaçants sur la France dormante
Nous forcèrent au retour, fin triste mais prudente.
Ainsi s’acheva donc ce week-end aérien,
Gravé dans nos esprits comme un vol ancien.
Et si les cieux parfois furent durs et frondeurs,
Nous volâmes ensemble, et c’est là tout l’honneur.
Mais qu’un hommage soit rendu, d’un vers sincère,
À ceux qui, dans l’ombre, nous tinrent la lumière,
Ligue francilienne, qui soutint ce voyage,
Et toi, bon José, sage coach des nuages.
Ô toi, cher lecteur, qui rêves d’horizon,
Viens donc goûter les cieux, la voile et le vent bon.
Car l’âme y trouve un chant plus haut que mille plaines :
Le chant des cœurs en vol, libres de toute chaîne.
Texte écrit par Julien, photos de différents pilotes